Expédition africa Lesotho 2022, l'histoire vu de l'intérieur pour les amateurs de récits...
Après 2 ans d’attente, nous voici enfin sur la ligne de départ dans ce petit pays enclavé en Afrique du Sud. Pays en altitude surnommé le royaume du ciel. Après Adrien l’an passé, c’est au tour de Quentin et Matthieu Bajard d’intégrer l’équipe aux côtés des expérimentés Sandrine et Seb.
C’est dans le village de Semonkong en la présence de la reine que nous débutons ce raid par une petite co accompagné d’un âne ! En effet c’est ici le moyen de transport traditionnel, peu ont une voiture… Nous surnommons notre ânesse Béatrice en l’honneur de la fidèle, téméraire et généreuse reportrice d’endorphinmag une fois de plus présente ici pour couvrir l’évènement.
Le départ est donnée à 12h15 et les 38 équipes doivent fixer à l’aide d’une corde deux caisses de bière ! Chacun son rôle, j’oriente, Quentin tient l’ânesse, Sandrine maintient les caisses et Matthieu donne des coups de bâton ! On se débrouille pas trop mal et terminons ces 4kms en 29’.
Section 1 Trek canyon 78km
On attaque fort dès le début pour doubler la dizaine d’équipe devant nous suite au prologue. Ainsi on entre dans le fabuleux canyon de la célèbre cascade Maletsunyane en tête. L’évolution est ultra technique, à flanc au dessus, au bord, dans l’eau, petite escalade… nous nous retrouvons rapidement avec les champions d’Afrique Sud Team Songlines et les jeunes Estoniens Seyklushunt. Ils ne nous quittent pas. La rivière est en crue et chaque traversée est épique. On s’accroche à 4 pour être plus solide et ne pas se faire emporter. Dans un passage délicat, on s’accroche même à 12 dans un grand moment de solidarité. Plus bas Sandrine récupère un Estonien emporté par le courant avec une force sortie de nulle part. Superwoman veille sur tout le monde… Les orages se succèdent mais on n’est plus à une goutte près. On attaque fort, Matthieu me confie qu’il ne pensait pas qu’on allait si vite… peu importe nos deux jeunes suivent ! Après le CP5, nous sortons du canyon pour encore 35kms environ bien délicat en orientation. Suite à une petite erreur mais on se recale vite, les vices champions du monde Estoniens ACE la sportiva reviennent sur nous. Nous sommes à 4 équipes maintenant dans la nuit noire sans lune. Nous traversons les premiers villages, habitat sommaire, petites cases avec toits de chaume. Pas d’électricité, un point d’eau potable… Les Sudaf et jeunes Estoniens font l’élastique. Nous finissons par faire un choix différent avec ACE pour mieux se retrouver 1h après ! Après plus de 15h de course, nous terminons cette section Aventure.
Heureusement que le Lesotho est un petit pays sinon l’organisateur nous aurait proposé 400km !
Après une transition correcte où l’on a du tracer les cartes, nous partons dans cette fin de nuit en chasse des Estoniens. Très vite on s’aperçoit que la route va être longue…Certaines pistes boueuses menacent la mécanique de nos vélos et nous ralentissent fortement. Nous sommes plus rapides et doublons nos adversaires au lever du jour au milieu de paysages sublimes. On attaque et les semons mais l’attente du ferry local, une barque, pour traverser une grosse rivière nous fait perdre 15mn précieuses. Dans la journée, nous ralentissons un peu et nos amis du nord reviennent. On ne va quasiment plus se quitter lors des 100kms suivants. Cette section est un défi physique immense. Nous enchaînons les montées sèches à pied en poussant et les descentes à fond en évitant les ornières et la boue. C’est monotone et il faut faire preuve de mental ! La nuit tombe dans de belles montagnes et le sommeil nous gagne petit à petit, notre allure diminue… Nous décidons de laisser les Estoniens et de dormir 2h à la belle étoile dans notre bivy bag. Sandrine nous réveille au bout d’une heure trente, elle est frigorifiée. Les deux frères dorment comme des bébés et Matthieu à un réveil difficile, « quoi, on est où, on fait quoi ? Matthieu on est au Lesotho en raid… » les yeux dans le vague il finit par sortir du brouillard. On repart à un meilleur rythme mais c’est encore long, certaines pistes type tôle ondulée sont très cassantes et on y laisse une partie de notre peau des fesses. A 7h du matin, nous croisons les enfants qui marchent parfois plusieurs kms vers leur école dans une même tenue. Vers 9h du matin, après avoir perdu 10mn bêtement dans la petite ville pour trouver la transition et au bout de 28h, nous en terminons enfin. Tout le monde est heureux de nous voir car notre tracker en panne laissait planer le doute sur notre position. Les Estoniens dorment encore. On est motivé et on repart assez vite pour le trek montagne dont l’orientation est annoncée délicate.
Section 3 Trek montagne 54km
Le moral au beau fixe, nous partons sous le soleil chaud, Matthieu est inquiet de prendre un coup de chaud mais il sera rapidement rassuré grâce au vent frais. Le début est assez simple, on va moins vite que lors du premier trek mais on est régulier. Apres quelques traversées de village, on part dans la pampa. Plus de sentier marqué, une carte blanche avec juste le relief pour se repérer. Les paysages sont somptueux. Juste quelques rapaces et perdrix, un no man’s Land immense. De jour c’est du régal d’orienteur. On pointe le dernier CP à la tombée de la nuit. J’oublie mon bâton au CP ce qui me vaut un petit aller retour mal venu… On entame la longue descente en espérant que les Estoniens soient 1h ou 2 derrière dans le noir pour en terminer. Hélas non, on aperçoit les frontales… Le mano a mano continue. On hésite sur la stratégie, dormir ou ne pas dormir avant le kayak… On décide de dormir 1h. On mange à la transition quand ils arrivent, on voit de suite qu’ils vont enchaîner. Ils sont efficaces et organisés, on prend plus notre temps le moral en berne car on pensait avoir fait la différence… On se couche dans le camion d’assistance et on dort dans la seconde. Matthieu a encore un réveil difficile !
Vers 22h on embarque, les frangins ensemble. On a une carte photo aérienne et très vite on y comprend rien. On devrait être dans des méandres Nord Sud et on ne fait que de l’Est. Du coup impossible de se caler sur la carte dans la nuit noire. On décide de changer nos duos car Quentin dort éveillé… Avec Sandrine, chacun notre Bajard, on navigue de concert. Hélas on rate une bifurcation et on se retrouve bloqué au barrage. Demi tour 1h de perdu ! Matthieu rejoint son frère dans la somnolence, Sandrine récupère la carte. Je dors à moitié… On se retrouve dans un cul de sac, des oiseaux surpris nous attaquent, Sandrine s’en prend un dans le gilet de sauvetage, plus de peur que de mal. On visitera encore 2 bras morts avant le lever du jour. On avance pas. Les premières lueurs nous permettent de mieux finir mais que de temps perdu… il nous faudra à l’avenir une frontale ultra puissante, un bon compas et de la musique pour ce genre de section. Et ouf on a enfin trouvé un point faible aux frangins! Ils ont une marge de progression… Je comprends enfin qu’avec le niveau d’eau élevé, la carte est fausse depuis le début ! Apres plus de 11h on arrive enfin et on plaisante avec l’organisation de cette section destructrice ! Les Estoniens n’ont de nouveau pas dormi et ils sont loin devant. On s’en doutait.
Afin d’éviter un long détour, Matthieu accepte de nager 300m dans l’eau froide. On traverse en kayak, il ramène les 2 kayaks puis il revient. Il impressionne l’organisation par sa nage fluide. On attaque cette dernière section sous le soleil dans un bon rythme. On court dès qu’on peut et on décide de traverser une nouvelle rivière pour éviter du dénivelé. Quentin n’a pas très envie, ses douleurs aux pieds s’accentuent et il a hâte d’arriver. On alterne sentiers, pistes et traversées de rivières. Et enfin nous attaquons une longue remontée de vallée au moment de la sortie de l’école. Une horde d’enfants nous accompagne. Ils nous posent mille questions. Moment inoubliable. Ils ont tous les cheveux rasés y compris les filles. La même tenue. Quelques enfants vont marcher plus de 6kms avec nous pour rejoindre leur maison. La 4eme nuit vient de tomber. On voulait arriver tôt, c’est mal engagé. On attaque le denier canyon qu’on doit longer mais il tournicote sans cesse. Quentin doit soigner ses pieds et on s’arrête pour la première fois hors transition !!! On repart. On décide de sortir du canyon sur 600m de dénivelé pour longer ensuite la ligne de crête. Le risque est d’être bloqué par des falaises. On slalome en essayant de garder le bon cap, j’ai confiance, des trous de souris parfois nous suffisent. On se dit bien qu’on ne franchit pas des obstacles qu’on ne pourrait redescendre… Ca passe ! Nous voilà sur la crête. Le sol est gelé, nouvelle nuit noire, on a presque plus de batterie dans nos frontales… Je sens mes amis inquiets. Un azimut de 8 kms environ se présente devant nous… Plus personne n’a sommeil, de temps en temps je tente de les rassurer, « je suis sur de moi, on suit le bon cap, on entend la rivière à droite, je surveille l’altimètre… » mais le temps est infiniment long… Je suis impatient de tomber sur les sentiers de vtt balisés, je scrute à droite à gauche avec le peu de lumière qu’il me reste. Et enfin un peu avant 1h du matin, on tombe sur un sentier. Je me retourne et les prend dans mes bras. L’émotion est à son comble… Peu après nous découvrons les lumières de l’arrivée. Nous franchissons la ligne après 84H d’une course qui sera mémorable. Une course aventure avec un grand A ou chaque section fut un véritable challenge à relever. Un raid engagé, technique, physique dans un pays somptueux à l’accueil incroyable. De nombreuses équipes ont dormi chez l’habitant au milieu de la nuit accueilli comme des rois…
C’est quand on a rien qu’on est le plus généreux… A méditer !
Mon équipe a été très performante, soudée, Sandrine égale à elle-même indestructible et pouvant aller parfois plus vite. Matthieu, très bon orienteur, rapide malgré le kilo de beaufort dans son sac. toujours calme et posé, Quentin, très rapide solide gagneur toujours dans le soucis de l’efficacité.
Nos amis Estoniens étaient dans un moment de gloire, pas d’erreur, pas de pénalité pour une fois, 1h10 de sommeil seulement… Il méritent leur première victoire.
Merci Stephan, Heidi et tout le staff pour cette ’AMAZING’ organisation. Vous proposez du grand raid aventure.
On va pouvoir maintenant se préparer pour un grand, un immense Raid in France …