Le Compte-rendu habituel de Seb :
Championnats du monde de raid 2024 vu de l'intérieur!
Par quelle idée commencer ce récit, par quelle anecdote. On est champion du monde 2024 d’Adventure racing et ce n’est pas rien. Faut trouver une bonne accroche de début pour que le lecteur ne s’arrête pas au bout de 4 lignes !
Samedi soir après notre podium et notre Marseilleise, nous étions 2 foufous à danser au milieu des bénévoles et des autres participants abreuvés de tequila à volonté, moi le plus vieux vainqueur d’un
championnat du monde de raid (52) et Benji le plus jeune vainqueur (29). Et ça c’est un symbole qui me plait et qui représente bien 400team. Nous avons toujours essayé de développer notre sport chez les jeunes et nous les avons intégrés ces dernières années dans nos équipes. Et voilà un jeune surpuissant pétri de qualités associé à 3 vieux briscards et le tour est joué ! Enfin cela ne suffit pas forcément, il faut aussi le meilleur orienteur du monde, la meilleure féminine du monde et peut être aussi un capitaine qui les pousse toujours à avancer encore et encore, courir encore et encore

. Mais parfois, cela ne suffit toujours pas. Il faut aussi que les planètes soient alignées ou du moins un peu de chance…
Ce samedi 30 novembre 2024 à 7h du matin, après une petite semaine d’acclimatation en compagnie des amis Carine, Pierrot, Rémi, Raphael de l’équipe Argo Nantes, nous sommes sur la ligne de départ à Cuenca Ecuador avec toutes les meilleures équipes du monde.
Section 1 : VTT 75kms
Nous partons à vtt en ville sur un début neutralisé. Cela joue des coudes tout de même pour bien se placer derrière la voiture ouvreuse. Nous arrivons dans un parc pour la prise des cartes et le départ officiel. Les chevaux sont lâchés et cela part très vite. Trop vite, j’ai l’impression de pulvériser mon record de fréquence cardiaque sur la première montée raide qui donne de suite le ton de ce qui nous attend. On est dans un groupe d’une quinzaine d’équipe, certaines font des erreurs par précipitation. Adri oriente avec fluidité et cela nous permet de rester dans un premier temps au contact. Mais au bout d’1h environ, nous laissons partir une dizaine d’équipe et prenons notre rythme. Un magnifique passage technique sur une crête nous permet de recoller un moment. Adri nous demande de ralentir un chouia et Benji l’accroche pour le faire descendre en température. Nous roulons seul dans de beaux paysages, les brésiliens nous doublent et nous déposent après avoir résolu un problème mécanique. Je ne peux m’empêcher de penser que nous ne sommes pas au niveau et qu’il va falloir peut-être revoir nos ambitions à la baisse. Nous arrivons beaucoup plus vite que prévu à la première transition. Notre moral remonte en voyant que les 10 équipes devant nous sont encore au parc en train de se préparer pour le trek suivant.
Section 2 : Trek (trail
) 70kms
Après une transition très rapide, nous nous élançons en chasseur le couteau entre les dents.
Dans notre plan de marche, nous avions prévu d’attaquer fort sur cette section. Nous mettons le plan en marche ! Nous sommes à plus de 3000m d’altitude dans les Andes sur un sentier étroit dans le genre montagne russe. Nous voyons les équipes devant nous et surtout nous voyons que nous fondons sur elle. Notre remontada est galvanisante ! Nous doublons l’équipe de Romu et Guillaume, leur deux équipiers brésiliens semblent en difficulté et juste après les suédois de Safat. L’altitude semble être un problème pour eux.
La sortie d’un canyon par un passage verticale boueux dans la jungle crée un léger bouchon. On récupère un peu car il est impossible de doubler. Nous rejoignons un jolie sentier le long d’un canal puis une piste à 3450m. Nous sommes dans un groupe de tête de 5 6 équipes.
C’est le moment d’attaquer, on se met en mode trail. Seules 2 team nous collent, les Equatoriens d’Imptek et les Estoniens de Tactical. J’aide un peu Sandrine à la laisse pour qu’elle nous suive plus facilement. Après quelques kms de pistes, on se retrouve de nouveau sur un beau sentier. On envoi fort dans une descente raide et les Estoniens perdent le contact. S’en suit un mano à mano avec les locaux. La nuit tombe et nous nous engageons dans un nouveau sentier, les Equatoriens nous laissent partir mais un chien décide de veiller sur nous. Il ne nous lâche pas d’une semelle et prend visiblement plaisir lui aussi à courir la nuit. On n’hésite pas à allumer à fond nos frontales Stoots pour être très rapide dans les parties descendantes techniques. Benji se plaint du ventre et n’arrive pas à manger, je le rassure comme je peux en vantant les mérites de la lipolyse ! Nous sommes descendus en altitude et la végétation change, nous entrons dans des zones humides. Le royaume de la forêt. Les sons également sont magnifiques. Le sentier à emprunter est très long et difficile. C’est juste parfait pour nous. De temps en temps, nous croisons une tente avec des bénévoles ou un village où l’accueil est très chaleureux. Juste après ce village, nous faisons une petite erreur d’orientation en ne trouvant pas le bon sentier mal carté et passons devant la balise sans la voir ce qui nous coute un aller-retour de 5 bonnes minutes.
Sur ce raid pas de toile en guise de balise mais une photo à prendre correspondant à l’image imprimée sur le road book.
Nous terminons cette section toujours en mode trail et avec notre chien vers 2h du matin avec 4h d’avance sur le planning rapide de l’organisation. Les estoniens sont à 45mn et le reste du peloton dont Safat à 1h20. Le moral est au beau fixe.
L’organisation annonce des changements du fait d’un niveau d’eau trop haut sur la rivière. Nous avions hésité à embarquer de nuit mais vu l’heure on ne peut attendre. Les guides nous donnent les consignes pour certains rapides. On s’attend donc à des rapides faciles …
Section 3 : Packraft 50kms
On embarque et très vite on se rend compte de l’engagement proposé. Il y a de nombreux rochers et on n’y voit pas grand-chose ! On est sur l’eau depuis à peine 5mn que j’aperçois au dernier moment un rocher devant nous. Je crie à Adri, « A droite, A droite, A droite ! », trop tard, on s’empale dessus. Sandrine et Benji qui nous suivent de trop près nous rentrent dedans. On se renverse les 4 ! On s’accroche à notre pagaie et au bateau comme on peut. On est dans un défilé de rapides, on fait le bouchon, on boit la tasse, on tape les jambes sur des rochers. C’est long très long avant que la rivière se calme.
On atteint le bas-côté enfin. C’était chaud ! Petite respiration et on réembarque. On poursuit la descente avec une extrême vigilance sur des rapides classe 3 parfois et ça passe plutôt bien jusqu’à que Sandrine nous dise s’apercevoir que son sac a disparu… Nooooooon !
Demi-tour, on cherche dans la nuit, on espère voir un objet orange flottant venir vers nous comme par miracle mais non bien sur… On se résoud à repartir en se disant qu’on a toutes les affaires de Sandrine en double dans notre caisse. Mais c’est oublié qu’on avait aussi le matériel de cordes avec nous sur cette section et celui là on ne l’a pas en double ! Le moral en prend un sérieux coup, le fantôme de 2023 ressurgit d’autant que le prochain poste à photographier est le … CP26, celui-là même qu’on n’a pas trouvé en Afrique du sud !
Il est sur un sommet et l’on doit dégonfler nos bateaux et tout ranger dans nos 3 sacs au lieu de 4 (bateaux, pagaies, gilets de sauvetage en plus de tout le reste). On parle peu, on avait décidé de fêter le CP26 quand on le trouverait mais là le cœur n’y est pas ! On redescend vers la rivière poser les bateaux et le matériel de navigation car l’organisation a eu la mauvaise idée de nous faire faire un aller-retour sur piste de 12kms pour pointer une balise du parcours originel.
On s’execute en essayant de remettre le mode running dès que possible. On reste focus sur le fait d’avancer le plus vite possible malgré une pénalité qui plane au-dessus de nos têtes. Adri se plaint de la cuisse suite à un coup lors de notre passage à l’eau.
Cet aller retour nous permet de voir nos concurrents et de se situer par rapport à eux à ce moment-là. Les Estoniens sont à moins d’1h, Safat, les jeunes Néozed, Brazil et l’autre équipe Estonienne à 1h15 environ. Il commence à faire très chaud et Adri n’arrive plus trop à courir au moment de récupérer les bateaux. Nouvelle galère, on a perdu le tube de notre pompe principale et on bricole avec notre mini pompe de secours pour gonfler en plein cagnard. On perd bien 10mn de plus sur ce coup.
On embarque de nouveau mais ce n’est pas fluide, nos bateaux sont sous gonflés, mon siège ne tient pas et je suis assis comme dans un canapé ! De plus la réparation sur la crevaison du packraft de Sandrine et Benji ne tient pas et ce dernier est obligé de regonfler régulièrement tout en naviguant. Bref rien ne va et on perd du temps encore et encore. Malgré tout, la rivière est fun et on se fait carrément plaisir cette fois de jour à naviguer ces beaux rapides classe 1 à 3. Il fait vraiment chaud sous le casque, on boit l’eau de la rivière.
Comme on repasse proche de l’endroit où l’on a perdu le sac, on décide de partir à sa recherche de jour et on tente de remonter la rivière du matin. Les photographes et supporters présents se demandent ce que l’on fait ! Le courant est trop fort, impossible. A pied cela s’avère également une vraie mission très aléatoire. On se resoud donc à rejoindre l’AT avec notre matériel manquant et à subir une pénalité.
Nous passons encore quelques beaux rapides avant de devoir sortir pour un gros portage de 2kms avec les bateaux gonflés sous le soleil. Chaud, très chaud ! L’aire de transition est très proche et nous y retrouvons l’organisation, Pascal et Nancy les organisateurs du Raidinfrance et l’éternel bénévole José Pires.
Nous allons voir de suite l’arbitre pour lui signifier la perte de notre sac et le fait que l’on ne puisse pas remplacer le matériel de cordes. Il nous dit réfléchir à la situation et nous invite à nous préparer pour la suite en attendant. Sandrine récupère mon 2ème sac à dos et reconstitue son matériel obligatoire. Il revient en nous disant que la meilleure solution est de demander à une autre équipe de nous prêter son matériel de corde et que justement une équipe de 3 qui a perdu un équipier et qui ne fait pas tout le parcours doit arriver prochainement sur zone. Il nous explique aussi que nous auront une pénalité et qu’elle nous sera signifiée prochainement.
Nos vtt sont prêts, et l’on dort un peu en attendant. Les suédois de Safat arrivent dans un premier temps puis cette équipe de 3 (dossard 57 Legends, muchas gracias). Je vais les voir et leur explique la situation, ils n’hésitent pas une seconde à nous prêter le matériel. Quelle chance ! Les planètes sont de nouveaux alignées…
Section 4 : VTT Cordes, 200kms
Nous repartons alors toujours 1er avec juste quelques minutes d’avance sur les Suédois. Mais un nouvel élan est en nous. Nous entamons la seule partie plate du raid sur 10kms. On se cale dans la roue de Benji avant une très longue montée de 700m de d+ sur la route qui doit nous mener vers le canyon et les cordes. Il fait encore très chaud et on essaye de ne pas trop monter en température.
Les suédois ne reviennent pas et c’est une bonne nouvelle. On pose nos vtt au parc à la tombée de la nuit ce dimanche vers 18h15. Adrian l’arbitre est là et nous annonce que l’on écope d'une pénalité d1h. On craignait plus. Plus motivé que jamais, nous courrons en descente pour rejoindre l’atelier cordes. Il y a du monde et c’est très sympa. On s’équipe rapidement et direction le canyon.
Le chemin est escarpé pour mener au rappel pendulaire de 50m qui nous fait plonger dans les entrailles de la terre. Benji ouvre la voie et on enchaine tous sans problème. On remonte ensuite le canyon en alternant nage et petite escalade facile. Le décor est grandiose même de nuit. L’eau nous rafraichi. Très rapidement nous nous retrouvons au pied d’une falaise qu’on doit remonter sur une corde fixe à l’aide de deux poignées jumar. Je me lance en premier, si le début se passe bien, je me retrouve très vite en difficulté pour passer une corniche qui bloque la poignée supérieure. Je suis pendu dans le vide et cherche des solutions les bras épuisés. Soulignons au passage que l’on a découvert au breefing qu’on aurait de la remontée sur corde ! C’est donc sans aucun entrainement que j’enlève les pieds des pédales pour essayer de trouver un appui pour m’éloigner de la falaise et faire passer la poignée bloquée. J’y arrive enfin et termine non sans mal les derniers mètres. Je peux me reposer en attendant que mes équipiers fassent de même. Sandrine galère aussi d’autant que son matériel de corde n’est pas réglé pour elle. Adri et Benji font cela en express si bien qu’on repart alors qu’un seul suédois est en haut de la falaise.
Nous remontons jusqu’au vélo et croisons des équipes. Nous reprenons notre route à vélo en se disant qu’au premier endroit adapté nous nous arrêterons pour dormir une première fois. Au 1er village, on aperçoit les suédois plus bas, ils sont revenus ! Au second village, une esplanade de sport couverte nous fait les yeux doux et nous nous installons dans notre lit de béton pour 1h30. Des chiens hurlent à coté, déjà qu’à chaque village ils nous courent après de façon agressive, on en peut plus de cet espèce! On se réveille un peu frigorifié, surtout Adrien qui a oublié qu’il avait un bivy bag dans son sac !
Pas de soucis pour se réchauffer tant les pentes sont raides, on pousse beaucoup notre vtt. On suppose que les suédois sont devant. Adri n’est pas au top et il vomit une première fois. On l’aide avec Benji à tour de rôle pour passer les cols mais cela devient de plus en plus dur. Dans une longue descente toujours en direction de l’Amazonie, il n’avance plus et ne voit plus rien. On décide de se s’arrêter immédiatement et de le laisser dormir 15mn au milieu du chemin. On se partage son sac en 3 afin qu’il reparte sans rien et léger. Pour être franc je charge surtout Benji, c’est un roc insubmersible !
Le jour se lève ce lundi et nous repartons à une allure normale. Notre orienteur a retrouvé sa vue ! Nous découvrons une végétation luxuriante. Les fougères arborescentes sont immenses, les sons de la forêt enchanteurs. Nous traversons un pont immense dans un lieu improbable au-dessus d’une rivière très sauvage. Quel spectacle. La remontée de l’autre coté est une autre histoire, nous poussons encore et encore, j’hésite à mettre les baskets pour mieux tracter le vtt d’Adrien. Nous arrivons dans un mini village où nous trouvons de l’eau fraiche, puis un autre où nous trouvons des boissons sucrées. Le soleil commence à chauffer, les descentes mettent à mal nos freins, ça chauffe tellement que je perds momentanément mon frein avant ! Il revient à lui comme par miracle…
On traverse de nouveau notre rivière et entrons dans un four. Il fait 50 degrés sous le casque. On pousse ou roule à faible allure, c’est toujours aussi raide. On se baigne dans une rivière, Adrien dans chaque goute d’eau qu’il trouve. Ca dure longtemps cette histoire, jusqu’à un nouveau village où l’on se pose sur un banc pendant que Benji part à la recherche de boissons.
Une équipe arrive, qui est ce ? Les suédois !!!! Super on pensait qu’ils étaient loin devant. On se salue, on les laisse passer, Ils doivent se demander ce que l’on fait à 3 posé sur ce banc ! Benji revient avec 5 litres de boissons. Le col n’est pas terminé et on voit parfois les suédois au loin. Un villageois nous offre de la cane à sucre à sucer. On bascule enfin. Dans le village du CP suivant, une école nous offre un verre de coca, ils sont trop gentils comme la plupart des habitants que l’on rencontre durant cette course. Nous arrivons ensuite dans une petite ville où l’organisation a prévu un accueil 3 étoiles. Nous sommes dans un gymnase et il y a beaucoup de jeunes et de l’ambiance. Les Suédois sont là depuis peu. L’organisation nous offre des pates et du café. Benji et Adri ont du mal à manger, ça passe pas !
On repart pour s’arrêter dans un commerce manger des glaces et des yaourts. Il nous reste 40kms à faire en pleine chaleur plutôt sur de la route. On peine, les garçons s’arrêtent sans cesse pour se rafraîchir et je suis limite en surchauffe moi aussi. Je finis par m’allonger 2mn dans l’eau. Sandrine elle bouillonne d’une autre façon, de notre manque de rythme et continuité !
Tant bien que mal, nous atteignons la fin de cette section et la transition après 24h de vtt. Les Suédois sont là depuis plus de 30mn. Il y a un petit restaurant au-dessus et nous y allons à tour de rôle. Les Estoniens et Brésiliens arrivent 15mn après nous. C’est donc un gros regroupement à 4 équipes qui s’opère. Rien n’est fait, on entre dans le money time !
Section 5 : Trek 60kms
On repart très motivé pour ce trek jungle en 2ème position vers 17h30. Dans le même esprit toujours, c’est-à-dire courir dès qu’on le peut. On se retrouve sur un sentier technique et on essaye de bien enchainer. Adri est quelque peu hésitant mais on le rassure en jetant pour une fois un oeil sur la carte. Il vomit de nouveau, Sandrine également ! On poursuit malgré tout et voyons au loin les frontales des suédois et derrière celles des Estoniens.
Nous jardinons 10 minutes pour trouver un nouveau sentier. Ce dernier devient boueux et vraiment compliqué à arpenter. On croise un 1er abri. On poursuit à moitié endormi mais une discussion vive sur la durée du sommeil que l’on va prendre nous réveille complètement. Les garçons veulent dormir 1h30, nous préferons juste 20mn car une pénalité d’1h nous attend à la dernière transition à la fin de ce trek et nous pourrons redormir. Nous arrivons à un second abri, un bénévole est là et nous annonce être premier ! Les suédois sont soit posés quelque part, soit perdus. Nous coupons la poire en deux et dormons 40mn. Benji se fait engueuler car il fait du bruit en mangeant. Dors gamin !
On se réveille plutôt bien et nous repartons premier. Adri démarre tranquillement puis accélère petit à petit. J’accroche Sandrine qui vomit encore et ne peut plus ni boire ni manger. Mais cest visiblement pas un problème ! Le jour se lève et nous découvrons des paysages magnifiques en montant sur les sommets. On avale une crête en mode trail tout comme la longue descente qui suit. Il nous faut creuser l’écart avant de purger notre pénalité.
Un nouveau mur en plein soleil nous met à mal ! Etienne l’arbitre prend quelques photos et nous arrivons vers 10h45 à la dernière transition ! On essaye de se préparer au plus vite afin d’aller dans la zone de pénalité que l’on doit rejoindre prêt pour la section suivante. Il est 11h12 quand nous débutons notre pénalité. Après avoir avalé quelques vivres, nous nous allongeons mais il y a du bruit !
Je suis à l’affût de l’arrivée des autres équipes. Les Estoniens entrent d’abord au bout de 30mn mais ceux-ci ont aussi une pénalité à purger donc cela est moins gênant. Les suédois arrivent au bout de 45mn. Je suis bien réveillé du coup. Nancy et Pascal sont là aussi et ils ont des regards très encourageants. Je réveille tout le monde 5mn avant la quille. Adri et Benji sont dans le gaz et visiblement pas vraiment prêt à partir ! On les presse mais c’est avec 5mn de retard que l’on quitte la transition à 12h17. Les Suédois finissent de se préparer (ils partiront12 minutes après nous), les Estoniens viennent de rentrer dans la zone de pénalité.
Section 6 VTT 110kms.
Je suis en mode mission, Benji ne sait pas trop où il est et me demande un topo de la course. Il me confie avoir oublié de prendre de l’eau ! Sandrine vole au-dessus de son vélo dans des pentes à 20%. Adri n’est pas réveillé et râle que je le tracte et le pousse dans une montée impossible. « Adri tu veux être champion du monde ou pas ! » On s’engueule un bon coup mais cette fois c’est bon on est 4 en mode guerrier avec le feu dans les jambes et dans les yeux ! On pointe un premier poste à une croix en aller-retour sans croiser les Swedish. On relance sur le plat, on attaque dans les superbes descentes single dont une de presque 1000m de dénivelé négatif, on envoie du lourd. On s’arrête 5mn dans un petit shop pour boire 1l de yaourt chacun et on repart pour une ascension interminable de plus de 1000m très raide de nouveau.
Je sens qu’à ce rythme, ils ne reviendront pas et l’émotion me submerge régulièrement. Je pleure tout en pédalant. Nous allumons nos frontales à la fin de ce col pour une dernière fois. Nous faisons de nouveau la descente à fond et Adri oriente comme un maitre qu’il est. Une dernière ascension monstrueuse nous mène à l’atelier de cordes où nous sommes accueillis comme des héros car peu pensait qu’on serait capable de distancer les Suédois à la pédale !
L’atelier de cordes consiste à emprunter un petit passage spéléo puis de grimper une belle montagne en via cordata. On a les jambes coupées des efforts précédents et on se traine un peu. Nous voyons d’en haut les suédois arriver environ 45 minutes après nous. On reprend nos vtt pour les derniers 30kms non sans une petite pause boisson à l’épicerie ! On a un peu perdu le rythme et on commence à s’inquiéter d’un retour possible des swedish. Nous accélérons dans l’ultime ascension avant de descendre vers Cuenca. Il reste 3 balises dans un labyrinthe de rue avec une carte au 50000ème comme support. Pas idéal et piégeux !
Adri nous emmène dans un cul de sac, il commence à s’inquiéter et n’arrive pas à se recaler. Benji n’a pas suivi la carte et ne peut plus l’aider. Adri a les yeux exorbités de stress, je ne l’ai jamais vu comme cela. Il nous confie ne pas savoir où il est ! On ne moufte pas … Les minutes sont longues mais il retrouve une route cartée de sa connaissance et recommence. Ouf nous atteignons la rivière du CP60, reste à le trouver. Benji le chien de chasse le trouve. Plus que deux, mais la question que l’on se pose tous : Les suédois sont-ils passés ?
Nous arrivons dans la zone de la 61, Le flair lozérien fonctionne encore !
Plus que la 62 mais cette dernière est dans un grand parc et la carte n’est d’aucune aide. On recherche un groupe de rocher mais il y en a plein. Cherche Benji cherche! Après de trop longues minutes, Benji la voit sur un panneau…
Direction l’arrivée, on n’a pas vu de trace de vélo dans l’herbe vers la balise mais malgré tout nous avons un doute ! Il est 1h du matin ce mercredi 4 décembre, nous sommes en course depuis plus de 90h, et il n’y a pas de circulation dans Cuenca. On s’approche du stade, Pascal est à l’entrée, je lui demande si on est 1er ou 2ème ?
Mais bien sur vous êtes premiers ! Nous avons juste 30 mètres pour réaliser que cette fois c’est bon, nous sommes champions du monde ! Campion del mundo !
Voilà un rêve fou qui se réalise pour nous 4, pour 400team, pour LSN, pour le raid français.
J’ai pleuré tout l’été en regardant nos champions français gagner des médailles lors des jeux olympiques. Je pense que quelques-uns en France pleurent aussi ce matin là en nous voyant franchir cette ligne en vainqueur. Le sport a cette magie de provoquer des émotions pour ceux qui le pratiquent et ceux qui l’observent.
J’ai beaucoup pensé durant ce championnat à mes proches et à mes équipiers des 20 dernières années. Encore plus au cours de ce dernier vtt et cette victoire est aussi la leur :
Mon ami fidèle Thomas Gaudion avec qui j’ai couru 15 ARWS mais aussi Nicolas Seguin, Audrey Ehano, Cyril Cointre, Nicolas Moreau, Romuald Viale, Sonia Furtado, Jino Poméon, Adrien Grataloup, Quentin et Matthieu Bajard , Rémi Heritier, Marc Perrot, Stéphane Grandin, Fabrice Baverel, Guillem Turc, Bertrand Pailleux. Sans vous serais-je là aujourd’hui ?
Denis Merlin il est pour toi ce titre, toi qui a accompagné Sandrine durant des années et avec qui j’ai couru et remporter mon premier RaidinFrance.
Bernard Durand alias BD07, bien sur que ce titre il est pour toi aussi, toi qui a couru dix ans avec Adrien et qui lui a tout appris ou presque !
Benj Monier et toute la Lozère, ce titre aussi il est pour vous, ce Benji est un concentré de toutes vos qualités des uns et des autres, une pépite, la pièce du puzzle qui manquait pour atteindre le graal !
Hervé Simon, ce titre il est aussi pour toi qui a consacré une partie de ta vie à structurer le raid en France et qui nous a toujours soutenu. Tu vas quitter tes fonctions avec la coupe à la maison !
Pour conclure, je voudrais remercier Santiago, Roberto et toute l’équipe d’organisation car ce ne fût pas simple pour vous mais le résultat est à la hauteur d’un championnat du monde. Bravo !
Un immense merci également à Heidi Muller et L’ARWS qui lutte en ce moment pour fédérer notre sport.
Enfin un grand merci à nos partenaires sans qui tout serait beaucoup plus compliqué
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