Raid Aventure Croatia (ARC) avec l'équipe 400 Team Givaudan, 4e

Je ne me sens jamais sûre de ma forme avant une course. Mais là, ce qui était sûr avant ce raid, c'est que j'étais très loin d'être dans une forme olympique, c'était même très juste, puisque je sortais d'une grave pleurésie qui m'avait valu des petits allers et retours à l'hôpital et un long séjour d'1 semaine au service pneumonie pour me sortir de cette grosse infection au poumon. Bref 1 mois avant le raid, je marche à peine, je respire avec grande difficulté et je suis épuisée. Mais le lundi 15 mai, je suis sur la ligne de départ, avec mes fidèles équipiers qui n'ont pas douté de ma capacité à me remettre sur pied Seb, Quentin et Jino.

Voici le compte-rendu de la course rédigé par Seb.

Et voici déjà le récit de notre épopée Croate pour les amateurs:

Quand nous arrivons sur place, nous apercevons rapidement les conséquences des fortes pluies des derniers jours dans la région. Les champs sont inondés et les rivières sont en folie. L’organisation a déjà annulé une section de kayak. La météo annoncée pour la course est catastrophique avec des pluies diluviennes. L’organisateur est plus que soucieux et nous aussi, nous fabriquons avec des sacs poubelles des ponchos étanche en plus pour assurer le coup… Bien nous a pris !!! La concurrence sur cette manche de coupe du monde est très forte avec la présence des meilleurs suédois tchèques et estoniens. Nous sommes venus jouer malgré l’incertitude sur l’état de santé de Sandrine hospitalisée il y a 1 mois pour un gros problème aux poumons.

Départ : Quand nous arrivons sur place dans le beau village de départ, la tranquille rivière qui coule d’habitude est démontée. Un débit en folie qui oblige l’organisateur a annulé la 1ère balise qui est sous l’eau. Nous partons à 9h ce lundi matin 16 mai avec le groupe de tête pour un trail de 25km environ. On met un rythme qui permet à Sandrine de ne pas trop souffrir au niveau respiratoire. Les Suédois et les 2 équipes Estonienne nous accompagnent ainsi que les copains de Valmo qui font le start et se font plaisir la première heure ! Quentin a une alerte crampes aux deux quadriceps rapidement et je porte son sac sur quelques kilomètres pour le soulager. Visiblement j’ai bien récupéré de ma course récente en Sicile ! On alterne petits sentiers, chemins et routes. On s’accroche aux suédois sur les 4 derniers kilomètres de route pour une arrivée groupée à la 1ère transition qu’on gère d’une main de maître en sortant largement premier !

On attaque donc ce vtt 88km en tête et boosté par notre transition efficace. Mais les machines suédoises et Estoniennes reviennent rapidement. Leur rythme est plus élevé que nous sur ce parcours roulant mais on s’accroche puis on décroche suite à une hésitation en orientation et une baisse de régime de Jino. Il s’inquiète de douleurs aux quadriceps. On l’aide avec la laisse vtt . On joue au chat et à la souris avec la 2ème équipe Estonienne mais ils finissent aussi par nous lâcher car notre rythme baisse. On perd encore un peu de temps sur des hésitations et on croise même les Valmo sur un aller-retour, ils font un super début de course. Vers 18h on boucle cette section 4ème à 30mn de la tête ce qui est bien, on s’attendait à plus de perte !

Ca nous redonne le moral et on fait encore une très bonne transition pour partir vite sur ce trek technique via ferrata. J’accroche Jino en délicatesse avec ses cuisses et on met du rythme. Les paysages sont jolis et la météo encore correcte en cette fin de journée. On avale une équipe Estonienne à la sortie de la jolie via, on les dépose même dans une descente technique. Ils n’ont visiblement pas l’habitude de courir sur des sentiers techniques, notre point fort. La fin du trek est moins technique et Jino serre les dents mais soufre de crampes. Vers 22h30 nous terminons cette section 3ème très proche des leaders Estoniens et Suédois. L’organisation nous offre des pizzas que Jino vomit avant de repartir. Rien ne va pour lui en ce début de course mais on le booste et on repart avec la pluie pour 63km de vtt…

Notre vitesse n’est pas optimum mais on gère la crise step by step. On est rapidement trempé et frigorifié. On sort notre poncho sac poubelle qui nous sauve la vie une première fois. A la sortie d’un canyon qu’on longe en poussant le vélo, la 2ème équipe Estonienne nous dépose. On jardine un moment avec eux plus tard sur un passage très compliqué en orientation et on se fait passer par les tchèques à cet endroit sans le savoir. Jino fait preuve d’un super feeling sur la dernière balise, les Estoniens qui la cherchent sont bien content. Quentin manque de s’endormir sur son vélo et se rattrape inextremis! … On arrive 5ème à la transition suivante où l’on retrouve Gérard. On prend le temps cette fois de manger et surtout de se changer complètement.

On repart 5ème 20’ derrière les tchèques et juste derrière les Estoniens qu’on dépose de nouveau dans la 1ère descente. Ce trek semble au vue du tracé assez technique avec quelques coupes azimut de prévu. La forme n’est toujours pas optimum pour Jino et Sandrine souffre de diarrhée et doit s’arrêter régulièrement. Quentin lui est en forme olympique depuis le début du raid. On est en mode gestion et non en mode attaque comme on l’aime sur ce genre de section. Mais on arrive tout de même à se perdre durant 10mn. Je dis à Quentin d’attendre Sandrine qui fait une pause toilettes pendant qu’on grimpe doucement avec Jino, puis je vois Sandrine derrière moi 5mn plus tard mais pas Quentin. Je luis dis alors d’indiquer le chemin à Quentin. Elle me répond pourquoi il est devant non ? « Ben non il t’attendait plus bas pour te donner un médicament » Elle me répond ne pas l’avoir vu. Oups ! Je redescends vite en courant le récupérer, lui-même ne voyant pas Sandrine était en train de la chercher plus bas !!! Bref 10mn de perdu bêtement à vouloir en gagner deux ! La pluie tombe non-stop mais nous avons moins froid qu’à vélo, ouf ! Nous alternons les passages techniques et les droits dans la pente dans des belles forets. Une traversée de rivière à 4 attachés nous rappelle le souvenir du Lesotho l’an passé. Nous sommes 4ème à la fin de cette section et arrivons au moment ou les tchèques repartent. Igor l’organisateur est là et il nous dit que la section kayak de milieu de raid est annulée. On comprend aussi qu’on aura toutes les caisses à chaque transition pour pouvoir avoir un peu de confort au vu de la météo. On se change dans le vestiaire chauffé d’un stade et cela fait du bien.

On repart sous une pluie battante. On est sec au moins 2 minutes! La section vtt de 35km est plutôt technique et nous correspond bien. Forcément le terrain est gras et les chemins transformés en rivière. On se débrouille pas mal et on laisse la 2ème équipe Estonienne derrière nous pour une fois en vtt. Les tchèques ne sont pas là quand on arrive, ils ont sans doute 45mn d’avance sur nous et les Estoniens Suédois 2 à 3h. On nous confirme qu’on aura toutes les caisses à la prochaine transition et on range quasiment tout dans les caisses A et B sans se poser de question…

Après une nouvelle bonne transition on attaque en début d’après-midi ce mardi un trek de 27km avec passages multiple en crête en Slovénie, pays très proche depuis le début sur ce tracé nord Croatie. Jino n’a plus de crampe, notre rythme est correct et l’orientation plutôt facile. On passe notre après -midi sous la pluie de nouveau mais on voit tout de même de beau paysage dont un arche naturel sublime sur une crète. Lorsqu’en début de nuit nous arrivons à la transition, on a la belle surprise de voir Frank et Dany Garcin de passage ici avant un périple slovène. Autre bonne nouvelle les suédois second sont là en train de dormir ainsi que les tchèques qui sont là depuis peu. On a fait une bonne section et on est toujours dans la course ! Hélas notre joie est de courte durée quand on s’aperçoit qu’on a que les caisses vtt et rien d’autres. On demande au bénévole qui nous dit que c’est normal et prévu comme cela… On n’a pas nos affaires pour se changer, pas nos duvets et tapis pour dormir sous les petits abris installés et pire encore pas nos 2 jeux de carte pour la section suivante… Le bénévole appelle Igor le grand chef qui nous nous dit qu’on a mal compris et que c’était bien prévu comme ça… Il accepte de nous apporter un jeu de carte dans 30mn minimum… On essaye de dormir par terre avec nos habits trempés quelques minutes. Les Tchèques dorment, les suédois repartent et nous on trace de nouveau les 100km de vtt à venir en grelotant. Il est minuit et on se relance 3ème sur ce nouveau vtt dans de bien mauvaises conditions par rapport à nos adversaires…

On fait une première erreur rapidement. Avec un jeu de carte on ne peut contrôler la décision d’itinéraire. Très vite Sandrine me confie être dans une mauvaise passe et très fatiguée. On l’aide à tour de rôle avec Quentin. La pluie redouble et on avance très lentement dans ce premier col sur la route. Les Tchèques nous déposent, ils vont beaucoup plus vite ! Cette 2ème nuit tourne au cauchemar. C’est interminable, on s’endort tous sur notre vélo dans l’humidité et le froid. On est obligé d’avancer car tout arrêt serait synonyme d’hypothermie. On s’arrête souvent pour regarder la carte à deux et essayer de ne pas se perdre car il y a un gros risque vu notre état. On n’avance pas, on roule plus ou moins en dormant... Avec le lever du jour ce mercredi, Sandrine et moi nous réveillons les premiers, mais Jino et Quentin sont toujours dans le brouillard complet. Le vent se lève et nous glace encore plus ! Heureusement on redescend en altitude et reprenons quelques degrés. Le seul jeu de carte ne peut nous éviter deux nouvelles erreurs de 15mn avant d’en finir avec la plus interminable section de nuit en vtt des dernières années auquel on a survécu non sans mal ! Plus de 48h de course et on à dormi 15mn… C’est juste ce qu’il ne faut pas faire ! Les Tchèques sont 1h30 devant nous et on a sans doute laisser toute chance de finir sur le podium. Bonne nouvelle par contre, la pluie a cessé après 36h non stop !

On décide de repartir vite sur ce dernier trek de 35km et de faire une sieste de 15mn au soleil dans l’herbe. Ce qu’on fait à la première balise. Et on cela nous fait un bien fou. On arrive de nouveau à courir vite. On perd 15mn à farfouiller autour d’une dépression et c’est dommage car le reste de la section se passe très bien. Notre rythme est bon, Jino puise dans ses dernières forces et suit le rythme par contre il n’a plus la lucidité pour l’orientation et Quentin prend le relais pour m’accompagner dans cette tache plutôt facile sur cette section et la fin du raid. Les paysages sont beaux avec une belle cascade notamment. La fin de section est délicate pour Sandrine et Jino et Quentin les tracte les deux en même temps. Du coup je lui promets un contrat CDI avec l’équipe pour les 10ans à venir ! On termine en début de soirée juste avant la nuit. Il nous reste encore 44km de vtt et 14 de kayak pour terminer cette course. Une 3ème nuit s’annonce. On a dormi 30mn… Ca risque d’être compliqué.

On repart à un rythme lent sur ce dernier vtt et la nuit tombe. On gère bien l’orientation et à part Jino en fin de section, le sommeil nous laisse tranquille. Une crevaison nous permet de dormir 15mn avec Sandrine pendant que les garçons galèrent à réparer. On redoute le retour des Estoniens et on essaye de ne plus faire de pause jusqu’au kayak qu’on débute vers 2h30 du matin en cette 3ème nuit !

Très vite le sommeil nous envahit et on dort nous les garçons à tour de rôle. Heureusement il y a un bon courant et les bateaux avancent bien tout seul. On débouche sur la mer un peu avant 4h30 et le jour se lève progressivement. 30mn plus tard après 68h de course qui en valent beaucoup plus, on franchit en 4ème position cette ligne d’arrivée loin derrière les Suédois Estoniens et Tchèques plus performants que nous sur cette manche de coupe du monde. Malgré tout nous sommes heureux et fiers d’avoir vaincu les élèments naturels et contraires car ce n’était pas du gâteau !!! Il fallait faire preuve de résilience. Jino a été au bout de lui-même et n’a jamais lâché mentalement malgré son état de santé. Sandrine a aussi surmonté sa petite préparation en amont et fait preuve de nouveau d’un mental hors pair. Quentin a montré un niveau physique exceptionnel et moi j’ai bien utilisé ma laisse afin de franchir un nouveau cap avant mes prochains défis

C’était dur et épique mais on repartira c’est sûr. On est des grands fous et on assume ! Vive le raid en équipe et l’aventure…